L’ostéopathie est-elle efficace contre le mal de dos?

Cette pratique se propose de venir à bout de la plupart des douleurs dorsales en équilibrant l’ensemble corporel.

Les Français aiment l’ostéopathie: 26 millions de consultations ont été recensées en 2015! Un véritable succès pour cette pratique thérapeutique encadrée et autorisée en France depuis 2002. Inventée vers 1870 par un médecin américain, Andrew Taylor Still, l’ostéopathie est une médecine manuelle dont l’objectif est de diagnostiquer et de traiter les perturbations articulaires et leurs conséquences. «Notre objectif est essentiellement de lever des restrictions de mouvements au niveau des articulations, explique Nicolas Meyer, médecin ostéopathe et posturologue, afin que le corps puisse fonctionner correctement. Notre approche est holistique, nous traitons le corps dans son ensemble, pas en pièces détachées. Un problème de dos peut par exemple découler d’un dysfonctionnement de convergence oculaire, qui en entravant certains mouvements va générer des tensions. Nous remettons donc également en place les capteurs posturaux du corps (yeux, appuis des pieds, oreille interne) pour éviter les dérèglements de postures et leurs conséquences. Bref, nous identifions la source du problème et intervenons sur l’ensemble de la chaîne lésionnelle afin de dénouer les tensions et lever les blocages et ainsi permettre aux douleurs de s’amender.»

Pour le mal de dos, les interventions sont multiples et variées. D’abord diminuer les tensions générées par des défauts de courbure de la colonne vertébrale. L’ostéopathe assouplit alors les insertions tendineuses des muscles dorsaux sur les vertèbres et/ou il soulage les raideurs ligamentaires. Si les douleurs proviennent d’une restriction de mobilité des vertèbres les unes par rapport aux autres, il cherche à les libérer, à restaurer un mouvement optimal entre elles. Si les douleurs résultent d’un faux mouvement, c’est alors sur les muscles eux-mêmes qu’il agit: «On doit alors procéder à un véritable reset des fibres musculaires, explique le Dr Meyer, pour qu’elles retrouvent un fonctionnement normal. On intervient aussi beaucoup au niveau viscéral. Le stress contracte les muscles viscéraux, ceux de l’estomac et du diaphragme notamment, créant des tensions qui se répercutent au niveau du dos car des attaches très puissantes le relient à ces viscères.»

L’ostéopathie se propose d’agir rapidement: c’est une thérapie brève, une des clés de son succès. Une ou deux séances doivent suffire à conclure une thérapie. La première séance permet d’abord d’identifier le motif de la consultation, l’hygiène de vie, les antécédents familiaux et surtout tout ce qui a pu provoquer un blocage, un effort inhabituel, un mauvais geste. La palpation corporelle permet ensuite de repérer les différentes zones de tension et de déterminer la technique manuelle à mettre en œuvre: mobilisations, tractions articulaires, manipulations vertébrales… «En général, lors de cette première séance, je traite de la tête aux pieds pour tout débloquer et laisser ensuite le corps retrouver son équilibre, explique le Dr Meyer. Bien souvent, cela suffit, mais si le mal persiste, une seconde séance s’impose pour travailler une tension spécifique ou résiduelle. Quant à la troisième séance, elle est exceptionnelle et a pour but soit d’affiner le traitement avec un travail postural telle la pose de semelles orthopédiques, soit d’envisager un diagnostic différentiel que l’ostéopathie ne peut résoudre: des lésions osseuses dues à des infections ou des tumeurs, par exemple. Dans ce cas il faut orienter le patient vers d’autres spécialistes.»

 

L’ostéopathie est également recommandée à titre préventif: l’idée est de ne pas attendre d’avoir mal pour consulter, mais de «huiler la mécanique» au cours d’une séance annuelle pour les personnes en bonne santé, et tous les quatre ou six mois pour celles atteintes d’arthrose. Par ailleurs, un bon ostéopathe saura prescrire des postures d’étirement pour entretenir son dos et donner les conseils posturaux ad hoc afin d’éviter les gestes qui blessent.

Mais en définitive, est-ce efficace? Son succès constitue un début de réponse: certes, il y a un effet de mode, mais si les patients affluent, c’est aussi et sans doute parce que l’ostéopathie les soulage réellement. En revanche, les tentatives d’objectivation de son efficacité par des études scientifiques ont donné des résultats mitigés.

Privilégier un thérapeute expérimenté

En 2012, l’équipe Inserm U669, dirigée par Bruno Fallissard, a compilé l’ensemble des données sur le sujet et a conclu en ces termes: «Les réponses apportées par l’ostéopathie sont potentiellement efficaces dans les douleurs d’origine vertébrale, mais sans supériorité prouvée par rapport aux alternatives plus classiques…» Bruno Fallissard nuançait, toutefois, ce résultat en prévenant qu’il était difficile d’évaluer scientifiquement l’ostéopathie, comme toutes les thérapies manuelles, car «peu d’études peuvent être menées en double aveugle, les thérapeutes sachant évidemment ce qu’ils délivrent». Par ailleurs, la qualité de relation patient-thérapeute est essentielle dans la réussite d’un traitement, ce qui limite la portée des études randomisées.

Le choix du praticien est donc fondamental: «Il faut privilégier un ostéopathe expérimenté, recommande le Dr Meyer, car en moyenne, dix ans sont nécessaires pour avoir une main qui perçoit et manipule correctement. Choisissez une personne en qui vous avez confiance, précautionneuse et non brutale. On ne manipule pas sans attention un patient en pleine crise de sciatique ou d’arthrose cervicale, et toutes les manipulations vertébrales doivent être réalisées en douceur: les accidents sont rares, mais ils existent. Une mauvaise intervention peut, par exemple, générer ou amplifier une hernie discale. Un bon ostéopathe doit pouvoir s’appuyer sur des radiographies, scanner ou IRM, avant de vous manipuler, afin de vous soulager en toute sécurité.»